Berbiguier de Terre-Neuve du Thym
Hotel Mazarin, rue Mazarine.


A TOUS LES EMPEREURS, ROIS,PRINCES,SOUVERAINS
DES QUATRES PARTIES DU MONDE
Sires,

Pères des peuples, qui représentez sur la terre de Dieu de Paix et de consolation, qui est dans le ciel, réunissez vos efforts aux miens pour détruire l'influence des Démons, Sorciers et Farfadets, qui désolent les malheureux habitants de vos Etats. Vous voyez à vos pieds le plus infortuné des hommes ; les tourments auxquels je suis en lutte depuis plus de vingt-trois ans sont les plus beaux titres que je puisse avoir à un de vos regards paternels.
Ah ! Il y a déjà longtemps que les persécutions diaboliques des Farfadets auraient eu un terme sur la terre, si quelqu'un de vos sujets avait eu le courage de vous les dévoiler. C'est pour les démasquer que je vous dédie mon ouvrage ; vous ne serez pas insensibles à mes tourments, vous les ferez cesser dès qu'ils vous seront connus.
J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect
De vos Majestés
Sires,
Le très humble et très obéissant sujet et serviteur
Berbiguier de Terre-Neuve Du Thym.

C'est ainsi que Berbiguier commence sa Biographie, Trois livres, 274 chapitres, quelque 800 pages écrites entre 1818 et 1820. La rue Mazarine, anciennement rue des Buttes, puis rue des Fossés de Nesle jusqu'en 1600, en raison de son tracé le long des remparts de l'enceinte Philippe-Auguste, en son numéro 54 accueillit Mr Alexis-Vincent-Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, né en 1764 et mort à Carpentras 3 décembre 1851. Se définissant comme le fléau des Farfadets, suivi par Pinel à la Salpetrière, Pinel le farfadet étant le chef de cette meute farfadéenne, il a ajouté à son nom Berbiguier celui de Terre Neuve du Thym «parce que je ne veux pas que l'on me confonde avec les autres Berbiguier qui ont plaidé contre mon oncle. Je sais que je ne puis pas prendre cette qualité dans les actes publics : j'obéirai à la loi, mais je vais me pourvoir auprès de Monseigneur le Garde des Sceux pour pouvoir, en toute circonstance, ajouter à mon nom celui de Terre-Neuve du Thym. J'achèterai pour cela une petite terre où je cultiverai toujours cette plante aromatique.»




Le Thym en effet dans le midi de la France, placé en croix éloigne sorciers et esprits, le diable l'a également en horreur.
Tout son entourage, ses docteurs, conseillers sont des farfadets, se jouent de lui, le harcèlent depuis le jour où La Valette et la Mançotte lui a tiré les cartes et l'a soumis aux forces et caprices des Démons Farfadéen. Mais pouvons nous donner une définition des farfadets de Berbiguier ? Ils sont la source de tous les maux, mauvais temps, maladies...«Leur première opération fut de glacer mes sens ; de sorte que mon corps ressemblait à un jet d'eau composé de plusieurs branches que le froid aurait saisi... ils me privèrent de toutes mes facultés intellectuelles, me réduisirent à un état tel de stupidité, que je n'existait plus que pour souffrir...» ; ils prennent l'aspect de personnes humaines, souvent de chats, de puces... Il lutte tant bien que mal contre eux, fumigations en nombre, incantations, il les capture en bouteilles et en fait part au musée de l'homme. Ses Outils ? Son baquet révélateur
« un vase en bois que je remplis d'eau et que je place ensuite sur ma fenêtre ; il me sert à dévoiler les farfadets quand ils sont dans les nuages. Il me répète dans l'eau toutes les opérations de mes ennemis ; je les vois se croiser, se disputer, sauter, danser et voltiger, je les vois lorsqu'ils conjurent les temps, allument les éclairs et les tonnerres. L'eau qui est dans le baquet suit tous les mouvements de ces misérables. Je les vois tantôt sous la forme d'un serpent ou d'une anguille, tantôt sous celle d'un sansonnet ou d'un oiseau mouche ; je les vois et je ne puis les atteindre...»

Quant à ses bouteilles prisons ils nous explique par quels procédés il capture ses ennemis :
"Autrefois je ne tenais captifs mes ennemis que pendant huit ou quinze jours, à présent je les prive de la liberté pour toujours, si on ne parvient pas à casser les bouteilles qui les renferment, et je les y emprisonnent par un moyen bien simple : lorsque je les sens pendant la nuit marcher et sauter sur mes couvertures, je les désoriente en leur jetant du tabac dans les yeux : ils ne savent plus alors où ils sont ; ils tombent comme des mouches sur ma couverture où je les couvre de tabac ; le lendemain matin, je ramasse bien soigneusement ce tabac avec une carte, et je les vide dans mes bouteilles, dans lesquels je mets aussi du vinaigre et du poivre. C'est lorsque tout cela est terminé, que je cachette la bouteille avec de la cire d'Espagne, et que je leur enlève par ce moyen toute possibilité de se soustraire à l'emprisonnement auquel je les ai condamnés.
Le tabac leur sert de nourriture et le vinaigre les désaltère quand ils ont soif. Ainsi ils vivent dans un état de gêne, et ils sont témoins de mes triomphes journaliers : Je place mes bouteilles de manière à ce qu'ils puissent voir tout ce que je fais journellement contre leurs camarades.»


Berbiguier trouvant en toutes ses compagnies des farfadets, Mr Pinel, Moreau... entretenait avec eux une correspondances accusatrice et proférait à leurs égard menaces et injures. Voici quelques exemples de lettre reçues et envoyées :

Lucifer à M.Berbiguier, Empire des Diables, le 30° Jour de la Lune

Monsieur Berbiguier,
Si je prends la peine de vous écrire, c'est d'après les ordres de Belzébuth et du conseil de ses ministres. Nous vous avons déjà écrit une lettre, à laquelle vous n'avez pas fait de réponse. Vous voulez la joindre à votre Mémoire ; mais tremblez, si vous avez le malheur de le mettre au jour, nous sommes cent dix qui avons juré votre perte. Vous avez fait mourir quinze de nos conjurés par le moyen de la piqûre ; je vous prie de vous décider à vous mettre de notre côté avec vos collègues, ou bien sans quoi c'est fait d'eux et de vous. Demain nous allons en députation de trente chez vous, pour avoir une réponse décisive ; si cela ne suffit pas, nous irons à cinq cents vous assiéger et vos associés ; il faudra que vous sautiez le pas tous ensemble.
Signé Lucifer



Lettre de M. Prieur Etienne à M. Berbiguier
Monsieur,
J'ai reçu votre lettre. Je vois avec peine que vous êtes toujours dans le même état. Votre maladie est très affligeante. Vous vous croyez tourmenté, et vous avez raison. L'affaiblissement de vos nerfs, produit chez vous toutes vos chimères. Vous vous êtes persuadé que j'étais sorcier, et de là vous concluez que je sui invisible. Cessez Monsieur de croire que j'aille chez vous la nuit. Je suis un homme, comme vous, de chair et d'os ; je suis, de plus, à une distance de trente lieues, comment voulez vous que je puisse me transporter chez vous toutes les nuits pour danser sur votre corps ?
Prenez des bains, suivez un bon régime, buvez du bon vin, promenez vous dans des lieux saints, continuez à servir Dieu comme vous l'avez toujours fait, vous verrez que vos idées bizarres passeront, que votre santé deviendra meilleure et votre tranquillité parfaite. Vous ne croirez plus ni aux sortilèges, ni aux possessions d'un homme qui vous veut du bien, vous respecte infiniment, et à l'honneur d'être
Votre très humble serviteur
Je me recommande à vos prières.


De nombreux aliénistes et psychiatres se sont intéressés à Berbiguier pour qui, cet ouvrage est le seul aussi élaboré et complet où la paranoïa est décrite de telle manière par le sujet lui même.

Il laissa à Paris un bien léger souvenir mais laissa à son départ une attention à ces habitants :
Parisiens, Parisiennes, vous avez un ami bien sincère dans Alexis-Vincent-Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, le fléau des farfadets ; il ne vous quittera pas sans vous avoir délivrés des agents du diable. Ceux qui sont en ces murs sont en immense majorité vertueux, et que, si se commet des crimes là où habitent nos rois, la plupart de ces crimes sont commis par des farfadets.

Berbiguier de Terre-Neuve du Thym : Les farfadets ou Tous les démons ne sont pas de l'autre monde.