Instruction d'Urbain Grandier



Ici figure l'instruction complète d'Urbain Grandier, traduite de l'ancien français en français actuel par mes soins (juste l'orthographe et non la syntaxe). J'ai laissé les noms de Démons tels quels c'est pourquoi vous trouverez peut-être quelques différences d'orthographie entre les noms que vous connaissez et ceux qui vont être cités.

Certains mots étaient illisibles, d'autres font référence à des prières : ils sont entre guillemets. Dans le document auquel j'ai eu accès certains passages étaient corrigés à la main ; j'ai tenu compte de ces corrections pour retranscrire ce texte.

Petit rappel de la situation :

A vingt-sept ans Grandier fut nommé curé de Loudun. Il s'attira rapidement la sympathie des femmes et en contre partie se mit à dos les autres moines qui les avaient maintenus jusque-là sous leur emprise.

Il se mit à dos également la bourgeoisie en faisant grosse Mlle Trincant, la fille d'un procureur du roi. Il se maria avec Madeleine de Brou en célébrant lui-même le mariage. Puis les ursulines, que les ébats amoureux de Grandier excitaient au plus au point, se mirent à voir Grandier jusque dans leurs songes. Les ennemis de Grandier en profitèrent pour l'attaquer. C'est à partir de là qu'intervient cette instruction.




Crise de possession chez les ursulines

Mise en situation
Rencontre des ursulines
Préparation et discours
Exorcisme
Réaction des Démons
Condamnation
Pactes de la susdite affaire



Interrogatoire de Maître Urbain Grandier (1634)

Prêtre, curé de Saint Pierre du marché de Loudun, & chanoine de l'Eglise Sainte croix dudit lieu.
Avec les confrontations des religieuses possédées contre ledit Grandier.
Ensemble la liste & les noms des juges députés par sa Majesté.

 

Mise en situation :


Le 23 juin sur les trois heures de l'après-midi, Monseigneur l'Evêque de Poitiers & de Louberdamont étant dans l'Eglise de Sainte Croix pour continuer l'Exorcisme de l'ordre dudit sieur de Louberdamont, Grandier fut amené de la prison en ladite église, auquel fut produit par ledit commissaire quatre pactes rapportés à diverses fois aux précédents exorcismes par lesdites possédées que les diables qui les possèdent disent avoir fait avec ledit Grandier par plusieurs fois,
l'un rendu par LEVIATHAN le 17, dudit moi, par lequel le MATHAN dit avoir entré dans le corps de la Supérieure, & l'autre possédé avec BEHEMOT, BAHARON, & BALONS & ce le 8 décembre 1632. L'autre composé de graine d'orange & de grenade, rendu par ASMODEE & quantité d'autres diables, pour empêcher l'effet des promesses de BEHEMOT qui avait promis d'élever la calotte dudit sieur Commissaire de la hauteur de deux picques, l'espace d'un "Miserere".

 

Rencontre avec les ursulines :

Tous lesquels pactes réputés audit Grandier, a dit, sans témoigner aucun étonnement, ne savoir ce que s'étaient desdits pactes, ne les avoir jamais faits, & ne connaître point d'art capable de telles choses, n'avoir jamais eu de communication avec les Diables & ignorer absolument ce qu'on lui disait dont fut un procès verbal que ledit Grandier signa.
Cela fait, l'on amena toutes lesdites religieuses possédées, en nombre de neuf & trois autres séculiers aussi possédés, dans le coeur de ladite Eglise, accompagnées de nombre de religieux & y étaient trois médecins, un chirurgien & quelques prêtres, lesquelles possédées à leur arrivée firent quelques petits cris appelant ledit Grandier leur Maître, & témoignant allégresse de le voir ;
lors l'un des exorcistes exhorta toute l'assistance d'élever leur cœur à Dieu avec une ferveur extraordinaire, (elles) produirent des actes de douleur, des offenses faites contre cette adorable Majesté divine, & lui demander, que tant de péchés ne missent point d'obstacles au-dessus de ceux que la Providence aurait pour sa gloire en cette occasion, & pour marques extérieures de la contrition intérieure, dirent le "Consiteor" pour recevoir la bénédiction de Monseigneur l'Evêque de Poitiers.

Préparation et discours :

Ce qui ayant été fait il continua de dire que l'affaire dont il s'agissait était d'un si grand poids, & tellement importante aux vérités de l'Eglise Catholique et Romaine, que cette seule considération devait servir de motif pour éviter la dévotion, & que d'ailleurs le mal de ces pauvres filles était si étrange, après avoir été si longtemps, que la charité obligeait tous ceux qui ont droit de travailler à leur délivrance, & à l'expulsion des Démons, d'employer l'efficace de leur caractère pour un si digne "furer"(illisible) par l'exorcisme que l'Eglise préférait à ses pasteurs, adressant sa parole audit Grandier, lui dit qu'étant de ce nombre par l'Onction Sacrée de prêtre, il devait y contribuer tout son pouvoir & son zèle (s'il plaisait à Monseigneur l'Evêque de Poitiers lui en donner la permission) & commencer la suspension & autorité. Ce que ledit sieur Evêque ayant concédé, le père Recollé présenta une étoffe audit Grandier, qui s'étant tourné vers ledit sieur Evêque, lui demanda s'il lui permettait de la prendre,
lequel ayant répondu que oui, il se mit ladite étoffe au col, & incontinent qu'il eut pris ladite étoffe les Démons s'écrièrent, tu y as renoncé, & alors ledit Recollé lui présenta un rituel, qu'il demanda la permission de prendre audit sieur Evêque comme ci-dessus, reçut la bénédiction se prosternant à ses pieds, sur quoi le "Veni Creator" ayant été chanté, il le relut & adressant sa parole à Monseigneur l'Evêque lui dit, Monseigneur, qui dois-je exorciser, sur quoi lui fut répondu par mondit sieur Evêque, les filles : il continua, & dit quelles filles
; a quoi il fut répondu ces filles possédées : Tellement, monseigneur, que je suis obligé de croire la possession je la crois, puisque l'Eglise la croit, je la crois, ainsi, quoi que je n'estime pas qu'un magicien peut faire posséder un chrétien sans son consentement, lors quelques uns s'écrièrent qu'il était hérétique & d'avancer cette créance, que cette vérité était indubitable, reçue en toute l'Eglise et approuvée par la Sorbonne :
Sur quoi il répondit qu'il n'avait point formé cette créance déterminée là-dessus, que c'était seulement sa pensée, qu'en tous cas il se soumettait du tout à l'Eglise, dont n'était qu'un membre, et que jamais personne ne fut hérétique pour avoir des doutes.

 

Exorcisme :

Mais pour y avoir proposé audit sieur Evêque c'était pour être assuré par sa bouche qu'il n'abuserait point de l'autorité de l'Eglise & lui ayant été amené ledit Recollé, la sœur Catherine, possédée comme la plus ignorante de toutes & la moins soupçonnée d'entendre le latin, il commença l'exorcisme en la forme prescrite dans le rituel & au lieu où avait "precipio, aut imperio" ; il disait "rogro vos" dont il fut repris par ledit sieur Evêque de Poitiers, qui lui dit que l'église ne parlait pas en ces termes aux Démons, qu'il ne peut continuer longuement parce que toutes les autres possédées firent des cris & des diableries qu'on ne serait exprimé & entres autres la Sœur Claire qui s'avançait contre lui & lui reprochent son aveuglement et son opiniâtreté se voulant jeter sur lui si bien qu'en cette altération il quitta cette sœur Catherine & adressa sa parole à Sœur Claire, laquelle pendant tout le temps que ledit Grandier parlait à elle ne fit que faire l'enragée pour se jeter sur lui, et ledit Grandier ayant dit qu'il la voulait interroger en Grec, étant une des marques requises pour justifier une possession, et que les Diables entendaient toutes sortes d'Idiome, alors le Diable, par la bouche de la supérieure, lui dit :
"Ha que tu es fin, tu sais bien que c'est une des premières conditions du pacte fait entre toi et nous, de ne point répondre en Grec" à quoi il répondit, "O pulcbraillisi oegregia Cuafio, & lors lui fut dit qu'on lui permettait d'exorciser en grec & de fait le diable, par la bouche de ladite soeur Claire, lui dit et parle en Grec, & en quelle que tu voudras je te répondrais.

Réactions des démons :

Et cela dit il demeura fort étonné, et demeura court, & même ledit sieur de Lauberdamont était disposé à écrire en Grec, mais tout cela n'eut point d'autre effet : car le magicien ne dit plus mot, et les possédées persistèrent à l'accuser de magie et de maléfices qui les travaillaient, s'offrent de lui rompre le col si on leur voulait permettre, et faisant toutes sortes d'efforts pour l'outrager ; ce qui fut toujours empêché par les défenses de l'Eglise, et partout les religieuses, lui répondant, demeurer troublées et en grande émotion, regardant fixement faire toutes les diableries, protestant de son innocence priant dieu d'en être le Protecteur, et s'adressant vers ledit sieur Evêque et le commissaire, leur dit qu'il employerait l'autorité Ecclésiastique et Royale dont ils en étaient les ministres pour commander à ses Démons de lui rompre le col, du moins de lui faire une marque visible au front, pourvu qu'il fut auteur de ce crime dont il fut accusé, afin que la gloire de Dieu fut manifestée, l'autorité de l'Eglise exaltée et lui confondu, pourvu que les filles ne lui touchâssent point les mains : ce qu'on ne voulait permettre, tant pour n'être point accusé du mal qu'il lui eut pu arriver, que pour n'exposer point l'autorité de l'Eglise aux ruses des Démons : mais les exorcistes ayant commandé le silence le silence au diable et cesser le désordre qu'il faisait, lors fît apporter du feu dans un réchaud dans lequel on jeta tous les pactes les uns après les autres au même temps les Démons commencèrent à faire les abats avec plus de violence et désordre qu'auparavant et cris sans pareils et les contorsions de bras et de jambes & quelques unes se tenaient sur le bout des pieds sans jamais avoir perdu terre.

 

Exécution du sieur Grandier

 

 

Se voulait jeter toutes sur ledit Grandier pour le déchirer étant en cause, disaient ces diables de le faire souffrir par la brutalité de ses pactes, toutes lesquelles choses étaient effroyables à tous, néanmoins ledit Grandier s'efforçait à l'extérieur et témoignait qu'il ne s'étonnait quoiqu'il eut plus de sujet qu'aucun autre, les Diables continuant les accusations, lui contant les lieux, & les heures, & les jours de leurs communications avec lui, les premiers maléfices, les scandales, son insensibilité, les renoncements faits à la foi et à Dieu, à quoi il répondit sans avoir appréhension, que jamais il n'avait donné lieu à ces abominations.

Démonstration des démons :

Tant par ce qu'il ne s'est jamais rien vu de pareil, je me suis oublié de vous dire qu'un de ces Démons cria que Belzebut était à l'heure entre ledit Grandier et un capucin, qui était à son côté, & sur ce qu'il dit adressant ces paroles à ce Démon "obinusteas" (illisible) ledit Grandier commença à jurer que c'était le mot du guet mais qu'ils étaient forcé de tout dire, parce que Dieu était plus fort que tout l'enfer, si bien que ces Diables voulurent se jeter sur lui, s'offrant de le déchirer, de montrer ces marques et de l'étrangler, quoiqu'il fut leur Maître, sur quoi il prit occasion de dire qu'il n'était leur Maître ni leur valet et que cela était incroyable qu'ils le nommait leur Maître, et s'offrait de l'étrangler, et alors ces filles lui ayant jeté leurs pantoufles à la tête, il dit, il les faut désserrer de ces diables, enfin ces diableries crurent à un tel point que sans l'empêchement de ces religieux l'horreur eut fini la vie et tout ce qu'on pu faire et dire qu'il y avait pacte de silence, qui tomba de la voûte de l'Eglise Sainte-Croix, et ces diableries dirent que ledit pacte aurait été fait la nuit de la saint Jean, à leur sabbat en la forêt d'Orléans, et que c'était à la prière de 6 Démons de la danse, mais qu'elle ne sont pour cela magiciennes disaient les diables, il est composé de pâte d'orange de sang et de poils et était pour le silence, il fut brûlé où les diables dansèrent à leur coutume.

 

Condamnation :

Enfin après tous les exorcismes & interrogations ledit Grandier fut atteint et convaincu de magie, sortilèges, irreligion et autres cas mentionnés au procès. C'est pourquoi ledit Grandier sera sous peu conduit au bûcher.

FIN

 

Index :

_ Lettre D'Asmodée attestant de la sortie du corps d'une des possédées 51 Ko

_ Lettre d'un des Démons 165 Ko

_ Pacte d'Urbain Grandier (1) 111 Ko

_ Autre Pacte d'Urbain Grandier (2) 102 Ko



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